- WHARTON (E.)
- WHARTON (E.)WHARTON EDITH (1862-1937)Écrivain américain née à New York dans une riche famille, et élevée au milieu des conventions mondaines, Edith Wharton eut une adolescence solitaire quelque peu assombrie par des fiançailles rompues. C’est peut-être en partie parce que ses possibilités de se marier jeune ne s’étaient pas matérialisées qu’elle accepta d’épouser en 1885 Edward («Teddy») Wharton, qui appartenait à la bonne société de Boston. Neuf ans après son mariage, elle souffrit d’une dépression nerveuse due pour une part au caractère étouffant de sa vie. Une fois guérie, elle publia son premier recueil de nouvelles, The Greater Inclination (1899); son premier grand roman, The Valley of Decision , parut en 1902. The House of Mirth , 1905 (Chez les heureux du monde ) marque son entrée dans sa maturité littéraire. Désormais, sa vie a commencé à changer: c’est en Europe que son mari et elle passent la plus grande partie de leur temps, et particulièrement à Paris. Au cours de ces années-là, Edith Wharton noue des amitiés chaleureuses dans un cercle distingué: Henry James, Henry Adams, Bernard Berenson, Charles du Bos, André Gide, Paul Bourget et, plus tard, le jeune Kenneth Clark. Ses années parisiennes seront aussi le témoin, de 1908 à 1909, de son aventure passionnée avec Morton Fullerton. Peu avant que la Première Guerre mondiale éclate, Edith Wharton se décida à demander le divorce. Pendant la guerre, elle restera à Paris. Des difficultés financières l’obligeront à écrire à un rythme de plus en plus rapide afin de faire face à ses dépenses, d’où la qualité médiocre d’une partie des ouvrages écrits après la guerre. Mais c’est pendant la même période qu’Edith Wharton se révèle capable de produire des œuvres majeures telles que Au temps de l’innocence (1920).Il y a deux périodes dans l’œuvre d’Edith Wharton: avant et après la guerre. Dans sa première période elle se préoccupe essentiellement d’analyser l’«âme close», à savoir les contraintes imposées à l’individu par des forces extérieures aussi bien qu’intérieures. De même qu’Isabel Archer dans Portrait de femme d’Henry James, Lily Bart, dans l’ouvrage Chez les heureux du monde , aspire à une liberté qu’elle ne peut posséder. Dépendant des riches pour subsister, elle tente de se marier, mais n’y parvient pas à cause de sa profonde répugnance à se compromettre. Sa situation financière de plus en plus difficile l’amène à prendre des mesures extrêmes, et finalement, comme elle ne veut pas se protéger du scandale en dévoilant les lettres secrètes d’une autre femme, elle succombe à la situation, et meurt d’avoir absorbé une dose excessive de somnifère. Sa fin montre comment opère un certain déterminisme social qui correspond à l’influence de Darwin sur la pensée de la société à la fin du XIXe siècle. Edith Wharton traite cependant d’un thème typiquement jamesien: la nostalgie d’une vie de plénitude, d’une expérience vécue (Erlebnis ) qui fasse accéder la conscience à des possibilités plus élevées. Pourtant, il est significatif que chez elle ces possibilités ne soient pas, comme chez James, liées à l’esthétisme, au sentiment de la forme qui façonne l’expérience de la vie, mais plutôt à une plus grande intensité de l’affectivité qui provient de la connaissance d’un autre être par l’amour, ou de certains types de renoncement , qui font de l’élément moral une autre manière encore d’accéder à une affectivité plus intense ou à une conscience plus haute.Dans Ethan Frome (1911), les contraintes sont d’une certaine manière intériorisées et découlent de la nature particulière du «ménage à trois» formé par Ethan Frome, sa femme Zeena et sa maîtresse Mattie Silver. Les effets destructeurs de ces contraintes (représentées par les liens moraux qui lient Ethan à sa femme) sont montrés par la détérioration physique et psychologique d’Ethan Frome et de Mattie Silver. Leur tentative de double suicide exprime les derniers efforts de l’âme close pour se libérer des effets paralysants des contraintes intérieures.Les romans écrits par Edith Wharton pendant et après la guerre présentent, peut-être bien à la suite de son aventure avec Morton Fullerton, une différence nettement perceptible: le thème du désir de liberté comme moyen d’atteindre la plénitude de la vie y est remplacé par la peinture de l’obtention de cette vie pleine. Cependant, ce qui permet ici d’atteindre une conscience plus élevée est le renoncement à l’expérience vécue elle-même (ou à la liberté) en tant que fin en soi. Désormais, c’est la perception de considérations morales qui détermine en fin de compte la forme que prend l’expérience de la vie, ainsi que la conscience elle-même. Dans Été (1917), récit du passage d’une jeune femme de l’adolescence à la maturité dans l’amour, le désir initial qu’a Charity Royall de l’amour comme expérience complète trouve son accomplissement en Lucius Harney, un jeune étranger en visite dans la petite ville de Nouvelle-Angleterre où elle vit: lorsque Lucius Harney l’abandonne définitivement — alors qu’elle est enceinte de lui —, cela l’amène à renoncer à ce désir et la prépare à accepter l’avocat Royall, son tuteur, comme mari. Dans Au temps de l’innocence , Edith Wharton dépeint un autre type de renoncement: Newland Archer tombe amoureux de l’«étrangère» Ellen Olenska qu’il rencontre quand il est sur le point d’épouser May Welland; il se trouve éveillé par elle à de nouveaux modes de sentiments et de conscience, alors qu’il s’efforce de la faire accepter par la société aristocratique de New York. En décidant de rentrer en Europe, Ellen Olenska l’aide à reconnaître les impératifs moraux plus élevés qui l’obligent à renoncer à sa passion pour le bien de son mariage. Mais le souvenir de cette passion et de la prise de conscience qui l’a accompagnée survit en lui et crée un niveau de conscience supplémentaire, de sorte que l’expérience de la plénitude est à la fois sublimée et préservée dans ce qui donne finalement forme et signification à l’élément moral de son existence. De cette manière, on peut dire que la mémoire et les sentiments, comme dans beaucoup des autres ouvrages tardifs d’Edith Wharton, s’intensifient et s’enrichissent mutuellement, créant un nouveau mode d’accès à l’expérience de la vie.
Encyclopédie Universelle. 2012.